retour sur la soirée coorganisée par le Catalyseur et Sciences animation 21/02/18

Vous avez dit escape game ?

Littéralement un jeu où on doit s’échapper, mais qu’est-ce donc ? L’escape game est une forme initialement apparue dans les jeux vidéo d’évasion japonais (2008). Une adaptation grandeur nature a vu le jour en 2008 toujours au japon. Il faut attendre 2013 pour que le concept arrive en France.
Les participants sont immergés et enfermés dans un environnement réaliste (en général une pièce). Pour en sortir, ils doivent collaborer pour résoudre des énigmes. Les thématiques sont variées, et on dénombre de plus en plus de salles dans les grandes villes. C’est une sorte de jeu de rôle collaboratif grandeur nature, vous avez souvent une mission qu’il vous faut réaliser en un temps donné.

Une salle + une histoire + un timing + des énigmes

Voilà une équation ludique qui, comme toute forme de jeu, peut être légèrement détournée pour lui donner un caractère pédagogique. Ce n’est pas nouveau, de tout temps, jeux et apprentissages se rapprochent, se mélangent, se frôlent, parfois pour de magnifiques réalisations …. ou des ratés qui ne sont qu’exercices déguisés.
Il n’a donc pas fallu longtemps au monde pédagogique pour voir dans ce nouveau format un outil déclinable à foison.

Une soirée thématique avec 3 réalisations & 1 projet : quel bilan ?

Le Catalyseur et Science Animation, les deux organisateurs de la soirée, ont proposé d’aborder le sujet sous forme de présentation de réalisations concrètes, puis d’un projet avant de laisser place aux nombreuses questions de l’auditoire. Un public fourni, avec notamment la présence de nombreuses associations d’étudiants ou jeunes entrepreneurs avides de se lancer dans l’aventure de la création.

1er Escape Game : Panique à l’ISS

Délires d’encre, association de CSTI, a relevé le challenge rapidement. Dans une démarche de proposer cet atelier au plus grand nombre et sur tout le territoire, ils ont eu la brillante d’idée de faire : un escape game itinérant !
Jusque-là, les escape game sont des lieux dédiés, fixes. Nous voilà avec un nouveau concept et un format intéressant qui permet de proposer cette expérience partout. Le matériel est donc démontable et autonome (hormis une connexion wifi et un peu d’électricité pour le site hôte). Une tente fait office de salle, l’ensemble de ses côtés (6 faces) sol y compris a été travaillé pour donner l’illusion d’une vraie immersion au sein d’un module spatial. Un soin a été apporté à l’environnement sonore et lumineux.
Pour l’histoire, forte de son expertise en littérature jeunesse, Délires d’encre a utilisé la trame du livre de science-fiction « Le passager de la comète » de Christian Grenier.
Votre But ? Vous êtes dans la station spatiale internationale (l’ISS), vous devez sauver un astronaute qui dérive dans l’espace dont la capsule de survie est dysfonctionnelle. Vous devez le réceptionner, restaurer ses fonctions vitales et le ramener sur Terre, le tout en 45 min !
Le scénario a été retravaillé avec différents partenaires scientifiques (CNES, ESA, IRAP..) et académique (Rectorat) pour un meilleur réalisme et des contenus validés.

3 axes de compétences sont mis en avant :
1) la communication, et le passage d’un langage à l’autre
2) l’analyse et la compréhension de documents, et de ressources mis à disposition
3) et le développement d’esprit de responsabilité et d’engagement de chacun
Par ailleurs Nicolas Berton, le médiateur en charge de l’animation souligne l’importance de la mise en avant des types de personnalités au sein des groupes (le créatif, le leader, le bidouilleur etc.)

Au final, le taux de réussite de la mission est de 80%. Lorsqu’une équipe n’y arrive pas, c’est bien souvent par soucis méthodologique et logique plus qu’en raison de la difficulté des énigmes.
Le problème principal de format est sa capacité d’accueil. Seulement 6-8 personnes en même temps dans la tente. Il est donc nécessaire d’organiser des actions en parallèle pour occuper le reste de la classe pour les scolaires.

L’expérience est réussie, le module sillonne déjà la région. Elle donne de bonnes pistes de développement pour d’autres évolutions (amélioration du matériel, des décors, des énigmes) ou d’autres escape game.

2ème Escape Game : Le testament d’Evariste Galois

L’association Fermat science œuvre pour la mise en avant des maths auprès du plus grand nombre, tâche parfois bien difficile tant vous vous souvenez de quelques traumatismes numériques dans vos études…
Ce format permettrait donc d’utiliser les énigmes mathématiques dont ils disposent sous un nouveau jour. L’enrobage de l’histoire créant une situation plus ludique.

Du côté de l’histoire, petit bon dans le temps, nous sommes en 1832, la veille de la mort du jeune mathématicien Evaristo Galois. Il a 20 ans et demain il mourra lors d’un duel pour l’amour d’une demoiselle… comme souvent à l’époque ! Il le sait, il est condamné étant donné son peu de connaissances des armes. Il rédige donc une ultime lettre dans laquelle il confie ses découvertes mathématiques pour les léguer à la postérité.
Vous avez 60 minutes pour remettre la main sur le texte avant que les adversaires ne le détruisent à jamais.
Vous êtes dans son bureau, à vous de jouer !
Trouvez les indices cachés, résolvez les énigmes mathématiques entre logique, réflexion, collaboration et déduction.

Ne disposant pas d’une salle fixe à mettre à disposition en permanence, ils sont soumis à la disponibilité d’une salle municipale. Le jeu se déroule donc uniquement sur réservation.
A contrario du projet de Délires d’encre, le jeu s’adresse en priorité à un public hors temps scolaire, plus familial dans un esprit non formel. Il dure 1h, et les équipes comportent de 2 à 6 joueurs.

L’association va tenter une adaptation au public scolaire, et s’est positionnée pour développer un guide des bonnes pratiques de la création d’escape game pédagogique.

3ème présentation : le LockLab, laboratoire de création d’Escape Game à visé pédagogique.

L’université de Lille ne fait pas les choses à moitié. Il ne s’agit pas ici d’une initiative de création d’escape game unique, mais bien du développement d’un laboratoire compétent en la matière pour la création et l’étude des escape game : le LockLab.
Cette unité comprend à demeure 3 game designer et associe ensuite lors des créations des chercheurs des domaines concernés. L’équipe est donc sans cesse renouvelée pour être la mieux adaptée.
L’université a mis à disposition plusieurs salles dédiées aux dispositifs. Chaque session d’escape game se déroule de la même manière : autoévaluation du joueur avant le jeu, phase de jeu, puis une session de cours débriefing.

À l’origine l’idée était de se servir du format des escape game pour créer une façon originale pour les étudiants de travailler un sujet de cours. Mais rapidement, les chercheurs se sont rendu compte que ce qui importait vraiment c’était le développement des compétences accessoires comme la cohésion, l’entraide, la réflexion. La situation de jeu a tendance à effacer l’acquisition de nouvelles connaissances.
Selon Benoit Hubert, il est plus facile d’apporter des savoirs êtres aux étudiants que des nouvelles connaissances. Il s’agira plutôt de réemploi de connaissances dans un nouveau cadre et du développement de comportement de groupes.
Toute la démarche est suivie et assistée par des psychologues et des anthropologues afin de pouvoir mettre en évidence les compétences développées dans le jeu. Lors du déroulement de la partie, les joueurs sont filmés en continu pour évaluer leur comportement.

Les chercheurs pensent donc que ce format est tout à fait utilisable pour observer des étudiants en situation afin de servir un processus de recrutement ou d’évaluer leur gestion du stress par exemple. D’ailleurs, leur premier escape game Armageddon est utilisé pour le recrutement de nouveaux employés afin de cerner leur personnalité et leurs comportements.

Le Locklab a pour but de construire des scénarios d’escape game pédagogique pour les universités afin que les étudiants puissent travailler leurs compétences accessoires. Il s’agira d’ailleurs de déterminer si ces savoirs mis en avant lors du jeu aident l’étudiant à les améliorer : cohésion sociale, communication. Mais il a aussi un objectif dédié à l’entreprise : pour réaliser une escape game à vocation de sélection RH par exemple ou de formation des salariés ou de team building lors de la création d’équipe.
Cette branche permettrait un équilibre budgétaire car la création coute cher.

4eme : projet escape game en immunologie

Denis Hudrisier, n’est ni une association de CST, ni un laboratoire de recherche comme celui de Lille mais il veut se lancer dans l’aventure passionnante de la création d’un escape game.
Professeur d’immunologie à l’UT3 Paul Sabatier, chercheur à la Com IPBS, c’est aussi un joueur invétéré qui n’a de cesse d’utiliser ce support avec ces étudiants. On ne compte plus les minis jeux vidéo ou de plateaux créés lors de leurs projets.
Lui aussi à l’écoute de nouveaux outils pédagogiques, le format de l’escape game lui a paru tout à fait compatible avec son domaine.

Son idée : se servir de la mise en place de la réponse immunitaire comme trame d’histoire. Un organe est infecté, à vous de suivre la réponse immunitaire pour le sauver. Infecté par quoi ? Les travaux de recherche de l’IPS sur la tuberculose donnent un coupable idéal.
Le jeu se déroulerait en 4 lieux reliés les uns aux autres, une salle 1 symbolisant l’organe infecté, un couloir représentant la lymphe menant à la salle 2 qui sera un ganglion, et un couloir correspondant à la circulation sanguine pour revenir à la salle 1.
L’idée étant d’obtenir des armes immunologiques contre la tuberculose qui seront symbolisées à la fin par un pourcentage compris entre 0 ET 100%.
Les énigmes ne seront pas dépendantes les unes des autres, et elles ne seront pas nécessairement immunologiques. L’environnement sera immersif par les objets, les sons, le matériel. La durée sera d’environ 60 min.

L’escape devrait être réalisé par le professeur en partenariat avec Science Animation et le Catalyseur, éventuellement lors d’une Game Jam dédiée (soirée de création mélangeant les publics).

Questions – Réponses

L’aspect financier soulève bien des interrogations, en effet le développement d’un tel outil nécessaire un budget assez conséquent et un investissement en matériel et temps notable. Le retour financier est donc difficile à appréhender.
Ce format répond cependant à un réel besoin d’innover dans les formes d’apprentissage et ce quelque soit le territoire.
Enfin les difficultés sont nombreuses et la présence d’une équipe aux compétences variées permet de les franchir une à une.
Mais toute thématique peut être abordée sous se format, il suffit de se lancer !

Bilan

Au final, chacun trouve le fil pour créer son escape game, pas de méthode commune. Certains sont partis des énigmes, d’autres de l’histoire, d’autres de l’environnement… tout est envisageable. Il s’agit tout de même, comme dans tout détournement d’outil, d’arriver à équilibrer connaissances et ludisme afin de créer une situation agréable pour tous tout en réalisant les objectifs visés.
L’escape game est donc à mon sens plus un outil, mais pas une finalité. Il peut permettre de créer des situations où on réutilise ses apprentissages, mais en aucun cas une situation d’apprentissage nouvelle d’acquisition de connaissances. Il peut cependant permettre de travailler des compétences comportementales.
Dans le cadre d’une dimension pédagogique, il est important d’y associer un débriefing en suivant afin de mettre en avant ce qui était important ou de retracer la logique ou les erreurs.

De nos jours, beaucoup de professeurs, se lancent dans l’aventure et créé leur propre escape game en cours (les exemples fourmillent sur le net). La situation de jeu s’adapte parfaitement à des classes dites inversées pour le rappel de connaissances en début d’année ou la synthèse en fin.
Les ressources ne manquent pas et plusieurs acteurs organisent des sessions de formation (comme le Learningscape de l’université de la Sorbonne) ou de création, comme l’Edu Game Jam qui aura leu les 6 et 7 avril prochains à Toulouse.

Alors, escape game : outils de formation et d’apprentissage de demain ? Il faudra encore un peu de temps et beaucoup d’études des différents paramètres en suivant les parties pour le savoir !


Pour allez plus loin, quelques ressources :
* padlet sur la création d’escape game
* site des jeux dévotion pédagogique et e la ramification : https://www.cquesne-escapegame.com/
* outils et ressources pour escape game pédagogique : http://escapegame.strikingly.com/
http://scape.enepe.fr/

 

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