Littéralement traduit de l’anglais Science Shops, la Boutique de sciences n’est pas un magasin comme les autres. Ici, aucun produit à vendre. Elle propose en revanche quelque chose qui s’apparente à une offre de service : mettre les connaissances scientifiques produites dans les universités et les centres de recherche au service de la société civile.
Voici un petit tour d’horizon de ces drôles de « magasins » dont vous pourriez avoir besoin un jour.

Origine dérivée française

Et oui, pour une fois, l’inspiration vient bien de chez nous. À la fin du XIXe siècle, des « Boutiques de droits » émergent en France . Encore une fois, il ne s’agit pas de vendre des articles, mais de proposer des compétences. Des juristes bénévoles offrent des conseils sociaux et juridiques dans le milieu ouvrier essentiellement.
En 1908, l’université de Delft aux Pays-Bas transpose le système à la science en ouvrant LA première Boutique de sciences. Elle part du constat que les citoyens doivent pouvoir soumettre aux étudiants et autres diplômés des sujets qui les préoccupent (dans la santé, les conditions de travail ou des aspects plus sociétaux).
Les bases sont posées. Il faudra attendre cependant 1972-1973 pour que soit formalisé les modes d’interactions des Boutiques de sciences comme on les connaît aujourd’hui. C’est à l’Université d’Utrecht (toujours aux Pays-Bas) qu’un groupe d’étudiants en chimie décide de répondre aux questionnements scientifiques d’une association : développer des produits capables de lutter contre l’agent orange (herbicide) utilisé par les Américains pendant la guerre du Viet Nam. Le concept de rendre accessible la science, à ceux qui ne peuvent pas financer des chercheurs ou dont le sujet n’est pas au centre des préoccupations des politiques de recherche, est né.
La science sort pour une des premières fois des labos, se reconnecte avec la réalité pour devenir une science de proximité !
Une action visionnaire qui ne trouve pourtant pas encore sa place.

À la mode, puis démodées, aujourd’hui au goût du jour ?

Dans les années 80, plusieurs Boutiques de sciences sont créées dans toute l’Europe (plus d’une quinzaine en France). Mais les modèles proposés sont plutôt éloignés du fondamental, ils manquent de reconnaissance et rencontre des problèmes de ressources pour les financer. La plupart ont donc disparu.
Pourtant depuis 2000, on assiste à un retour de ces boutiques grâce au soutien de la Commission européenne afin de favoriser les actions Science Société. Les boutiques de sciences sont décrites comme l’outil idéal pour réduire la fracture entre les citoyens et la communauté scientifique.
À l’heure où l’on souhaite de plus en plus impliquer les citoyens, ce modèle de sciences participatives à toute sa place dans notre société. La recherche devient alors plus connectée à son environnement local, elle participe à la co-construction de savoir autour d’un dialogue science-société renforcé.

Mais comment ça marche ?

Même si les modalités de fonctionnement diffèrent un peu d’une boutique de science à l’autre, de grands principes s’en dégagent.
Tout d’abord, un groupe de la société civile (une association, un groupe d’usagers…) identifie un problème. Il soumet ainsi son besoin concret à la Boutique de Sciences. Attention cependant, certaines boutiques sont spécialisées dans des thématiques précises. Elles ne pourront donc pas répondre à toutes les problématiques.
Pour que la demande soit acceptée, elle doit cependant respecter quelques critères : 1) elle doit présenter un intérêt collectif, dont les résultats seront diffusés au public; 2) les résultats doivent être utilisables dans les actions de la structure; 3) les commanditaires ne doivent pas avoir les moyens d’acquérir la recherche auprès d’autres acteurs.
Une fois cette étape franchie, la boutique de sciences va sélectionner et reformuler les sujets afin d’en extraire des problématiques scientifiques. Les sujets seront proposés à des chercheurs et des étudiants dans le cadre de projets tutorés.
Le demandeur sera présent et impliqué tout au long de la démarche afin d’obtenir une réelle co-construction des connaissances.

On fait ça en France ?

Eh oui, Lyon et Lille ont déjà leur Boutique de sciences depuis plusieurs années. Un projet de développement d’une Boutique de sciences pour l’agro-diversité en Occitanie est aussi en cours (cf. section ci-dessous “Pour Aller plus loin”).
Le réseau se structure petit à petit, pour que ceux, qui souhaitent se lancer dans l’aventure de l’ouverture d’une Boutique de sciences, partent sur de bonnes bases et ne se sentent pas seuls dans l’aventure.
Depuis 2005, un réseau Européen (Living Knowledge) recense aussi les initiatives et propose des outils.

À venir, avenir ?

Rendre la science accessible aux citoyens, briser le clivage science société, impliquer les citoyens dans la production de connaissances… la thématique des relations de la science avec la société est au cœur des préoccupations actuelles.
Les Boutiques de sciences étaient peut-être au début trop en avance sur leur temps. L’avenir nous dira si elles vont se développer ou si d’autres modes prennent leur essor.


Pour aller plus loin :

* Projet Boutique de sciences en Occitanie :
http://www.mshsud.org/valorisations/boutique-des-sciences
https://www.bede-asso.org/wp-content/uploads/2017/10/Rapport-BdS-Antoine-Malivel-sans-annexes-web.pdf
* Les boutiques de sciences comme outils pour les sciences en société par Bertrand Bocquet (Professeur à l’université de Lille)
* Livre :  Aux sciences, citoyens ! Expériences et méthodes de consultation sur des enjeux scientifiques de notre temps, chapitre 11, Eléonore Pion et Florence Piron, 2009
* Boutique de sciences Lyon
* Boutique de sciences Nord de France

 

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