Vous vous dites « encore un article sur les résolutions du mois de janvier… Celles qu’il faut prendre, ou pas; que l’on va tenir ou pas ». Eh bien non ! Il ne s’agit pas ici d’aborder votre volonté, mais bien de repousser encore les limites de visibilité de l’invisible grâce à un outil fabuleux : le microscope à super résolution (ou nanoscope).
« Le visible ouvre nos regards sur l’invisible » (Anaxagore, philosophe grec 500-428 av. JC)
Le microscope, comme son nom l’indique (du grec mikros petit et skopein observer), a été inventé pour observer le monde du vivant à très petite échelle (non visible à l’oeil nu). Grâce à cet outil, R. Hooke, scientifique pluridisciplinaire, observe, par ce jeu de lentilles de verre, la structure de l’écorce du liège (Micrographia 1665). Il compare ainsi les petits carrés visibles aux habitations spartiates des moines. Le terme cellules est alors resté. Il découvre les briques qui constituent les êtres vivants.
Depuis, chaque progrès technologique est utilisé pour scruter le vivant en détails, toujours de plus en plus fins : de la cellule, on passe à ses composants internes et ainsi de suite.
Mais cette technique a ses limites. Elle ne permet pas de voir des éléments encore plus petits qui pourtant aujourd’hui concernent tous les domaines de recherche (immunologie, santé, médecine, chimie, physique, biologie…). En effet, en dessous de 250 nm (soit 250 x 10-9 m autant dire très très très petit), chaque point de l’objet scruté, reflétant la lumière émise par le microscope, se confond avec son voisin. La structure observée devient juste une tache lumineuse. La résolution maximale d’un microscope (ie. la taille minimale que l'on observera) dépend de la longue d’onde de la lumière utilisée, c’est ce qu’on appelle la limite de diffraction de Abbe posée en 1873.
Voir l’invisible : de micro à nano
Depuis quelques années, on assiste à la naissance d’une nouvelle famille de microscopes dit « à super résolution ». Ils permettent de repousser la limite du visible grâce à un système d’assemblage d’images prises à différents temps. La lumière émise par un point n’éblouit plus son voisin qui lui n’est pas encore éclairé. En 2014, le prix Nobel de chimie est attribué aux Américains Eric Betzig, William Moerner et à l’Allemand Stefan Hell pour la mise au point d’un nouveau genre de microscope : le nanoscope.
Ils ont eu l’idée de coupler laser et fluorescence. Le laser permet d’éclairer une très petite zone, quant à la fluorescence, elle permet de marquer les différents éléments qui s’illumineront quand le laser passera dessus. Un peu comme si l’on voulait capter un dessin entier en allumant successivement chaque point qui le constitue. Ensuite, toutes les images sont superposées.
Ainsi est né le microscope super résolution ou nanoscope.
Être ingénieur, c’est concevoir et innover
Ce nanoscope, comme tout microscope, a cependant une limite théorique : 50 nm (ce qui est quand même 4 fois plus petit que ce que l’on voyait jusque-là). Au-delà de l’invention de la technique pure et la création des machines, il est important de souligner le rôle des hommes et des femmes qui sans cesse repoussent ces limites. Ce sont, entre autres, ces ingénieurs de plateaux techniques qui connaissent leurs machines sur le bout des roues de réglages, qui les domptent et leur demandent toujours l’impossible.
Ainsi, Sophie Allart du plateau technique d’imagerie cellulaire du Centre de physiopathologie de Toulouse-Purpan (CPTP) a reçu le grand Prix Innovation Inserm 2017, grâce à son travail sur un nanoscope.
Les 50 nm visibles ne lui suffisaient pas…. grâce aux ajustements qu’elle a effectués, elle est passé à 23 nm!!!!! Autant dire une réelle prouesse d’optimisation.
Une belle avancée qui a permis notamment à cette ingénieure de permettre l’identification du virus Zika à l’intérieur même des spermatozoïdes. Et de participer ainsi à la confirmation du mode de transmission sexuelle.
Des nanomètres vus à l’échelle des mètres
Mis à part que tout ça, c’est très petit, difficile de bien saisir les différences de taille. Le nanomètre ça ne parle pas….
Pour une idée de comparaison : imaginons que jusque-là vous ne pouviez voir que les objets de la taille de la Tour Montparnasse à Paris (environ 200 m de haut). Tout ce qui mesure moins de 200 m vous est invisible, autant dire beaucoup beaucoup de choses. Grâce au nanoscope vous pouvez dorénavant voir l’arc de triomphe (50 m), 4 fois plus petite. Et grâce à l’optimisation et aux réglages de cet outil vous pouvez désormais voir … la pyramide du Louvre (20 m de haut). Mais il reste encore bien des éléments qui vous seraient invisibles alors…. et c’est ainsi dans le monde de la microscopie, on repousse sans cesse les limites pour voir l’invisible.
Derrière chaque avancée, il y a des hommes et des femmes. Derrière chaque équipe de recherche, il y a des techniciens et autres ingénieurs spécialistes de leur domaine, ce sont eux qui permettent parfois l’impensable et qui trouvent les solutions.